Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/400

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

objet de conquête préalable par M. Marx et ses adhérents, mais la grande liberté humaine qui, détruisant toutes les chaînes dogmatiques, métaphysiques, politiques et juridiques dont tout le monde se trouve aujourd’hui accablé, rendra à tout le monde, collectivités aussi bien qu’individus, la pleine autonomie de leurs mouvements et de leur développement, délivrés une fois pour toutes de tous les inspecteurs, directeurs et tuteurs.

Le second mot de cette émancipation, c’est la solidarité ; non la solidarité marxienne, organisée de haut en bas par un gouvernement quelconque et imposée soit par ruse, soit par force, aux masses populaires ; non cette solidarité de tous qui est la négation de la liberté de chacun, et qui par là même devient un mensonge, une fiction, ayant pour doublure réelle l’esclavage ; mais la solidarité qui est au contraire la confirmation et la réalisation de toute liberté, prenant sa source non dans une loi politique quelconque, mais dans la propre nature collective de l’homme, en vertu de laquelle aucun homme n’est libre si tous les hommes qui l’entourent et qui exercent la moindre influence soit directe, soit indirecte sur sa vie, ne le sont également. Cette vérité se trouve magnifiquement exprimée dans la Déclaration des Droits de l’homme rédigée par Robespierre, qui proclame que l’esclavage du dernier des hommes est |33 l’esclavage de tous[1].

  1. « Il y a oppression contre le corps social, lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre du corps social, lorsque le corps social est opprimé. » (Art. 28 du projet de Déclaration des droits de l’homme présenté par Robespierre aux Jacobins, le 21 avril 1793. Cet article fut inséré ensuite comme article 34 dans la Déclaration des droits de l’homme votée par la Convention le 23 juin 1793 et placée en tête de la constitution républicaine.) — J. G.