Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/500

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Chose étrange et également digne de ne pas être oubliée par les peuples ! Le protestantisme, qui, s’il n’avait point créé, avait au moins stimulé et accompagné le mouvement émancipateur des peuples dans tous les autres pays, en Suisse, en Angleterre, en Hollande, en Suède, et plus tard en Amérique, en France même tant qu’il n’y fut point vaincu, dans la seule Allemagne avait produit un effet tout contraire. Il y devint la religion du despotisme. Ne faut-il pas en conclure que les Allemands sont un peuple vraiment prédestiné à la création d’un très puissant et très grand État, puisque l’obéissance et la résignation, ces premières vertus d’un sujet et ces conditions suprêmes de l’État, se trouvent si profondément enracinées dans leurs cœurs ; au point que la Réformation, une révolution religieuse qui avait secoué la torpeur de tant d’autres nations et qui avait réveillé en leur sein le principe de toute liberté, la révolte, n’avait produit d’autre effet en Allemagne que de renforcer le sentiment et la pratique de la discipline ?

Dans la première livraison de cet écrit[1], j’ai montré comment la nation allemande, absorbée pieusement dans ses rêves, 59| avait passé son adolescence et sa jeunesse, toute la longue période du moyen âge, dans le plus complet et le plus tranquille esclavage. J’ai constaté ensuite comment, vers la fin du

  1. L’Empire knouto-germanique et la Révolution sociale, par Michel Bakounine ; 1re livraison. Se vend chez James Guillaume, imprimeur, à Neuchâtel. (Note de Bakounine.)