Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/520

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Mais il était absolument impossible que les populations allemandes marchassent dans cette voie spontanément. Car, pour fonder le grand État unitaire, elles devaient abattre d’abord cette multitude de petits États, de petits princes entre lesquels l’Allemagne se trouvait divisée, et c’était une entreprise, une action dont les peuples allemands étaient et se montrent encore, jusqu’à cette heure au moins, absolument incapables. Pour les abattre de leur mouvement propre, ils n’ont encore aujourd’hui qu’un unique moyen, c’est la révolte, et nous avons vu que la révolte a été toujours étrangère, pour ne point dire profondément antipathique, à cette excellente nature allemande, toute pétrie de respect, de soumission et de résignation, pleine d’une vénération aussi instinctive que réfléchie pour toutes les autorités, et d’une piété sans bornes pour ses princes.

Cette vertu politique est tellement enracinée dans le cœur de l’immense majorité des Allemands, que le grand patriote Ludwig Bœrne, il y a à peine quarante ans, écrivait ces terribles paroles : « Les autres peuples peuvent être esclaves ; |72 on pourra les mettre à la chaîne et les maîtriser par la violence ; mais les Allemands sont des laquais, on n’a pas même besoin de les enchaîner, on peut les laisser courir dans la maison sans danger. (Andere Völker mögen SKLAVEN sein, man mag sie an die Kette legen, mit Gewalt darnieder halten, aber die Deutschen sind BEDIENTEN, man braucht sie nicht an