Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/94

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improvisées pour le malheur de la France. Mais je crains que le peuple de Lyon ne le comprenne que lorsqu’il sera trop tard pour sauver Lyon et lorsque Lyon sera tombé au pouvoir des Prussiens, ce qui ne manquera pas d’arriver, si l’état de choses actuel n’est point changé en vingt-quatre heures : la France sera perdue. Elle n’aura plus, pour sauver non son existence comme grande nation libre et indépendante, mais simplement sa dignité, son honneur, que la démocratique cité de la Méditerranée, Marseille. Marseille ne tombera pas au pouvoir des Prussiens, j’en suis sûr, mais Marseille ne pourra point sauver la France.

« Je quitte Lyon, cher ami, le cœur plein de tristesse et de prévisions sombres. Je commence à penser maintenant que c’en est fait de la France. Elle deviendra une |4 vice-royauté de l’Allemagne, et sa voix jadis si puissante, cette voix qui annonçait la liberté au monde, ne comptera plus pour rien dans les conseils de l’Europe.

« À la place de son socialisme vivant et réel, nous aurons le socialisme doctrinaire des Allemands, qui ne diront plus que ce que les baïonnettes prussiennes retournant triomphantes leur permettront de dire.

« L’intelligence bureaucratique et militaire de la Prusse unie au knout du tsar de Saint-Pétersbourg vont assurer la tranquillité et l’ordre public au moins pour cinquante ans sur le continent de l’Europe.

« Adieu la liberté, le socialisme, la justice pour le peuple et le triomphe de l’humanité. Tout cela pouvait sortir du désastre actuel de la France. Tout cela en serait sorti si le peuple de France, si le peuple de Lyon l’avait voulu.