Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/216

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d’héritage, on détruira le plus grand stimulant qui pousse les hommes au travail. Ceux qui pensent ainsi continuent de considérer le travail comme un mal nécessaire, ou, pour parler théologiquement, comme l’effet de la malédiction que Jéhovah, dans son courroux, a lancée contre la malheureuse espèce humaine, et dans laquelle, par un caprice singulier, il a compris sa création tout entière.

Sans entrer dans cette grave discussion théologique, prenant pour base la simple étude de la nature humaine, nous répondrons à ces détracteurs du travail que ce dernier, loin d’être un mal ou une dure nécessité, est, pour tout homme qui est en possession de ses facultés, un besoin. Pour s’en assurer, chacun peut faire une expérience sur lui- même : qu’il se condamne seulement pour quelques jours à une inaction absolue, ou bien à un travail stérile, improductif, stupide, et il verra si à la fin il ne se sentira pas le plus malheureux et le plus avili des hommes. L’homme, par sa nature même, est forcé de travailler, comme il est forcé de manger, de boire, de penser, de parler.

Si le travail est aujourd’hui maudit, c’est parce qu’il est excessif, abrutissant, et forcé, c’est parce qu’il tue le loisir et prive les hommes de la possibilité de jouir humainement de la vie ; c’est parce que chacun, ou presque chacun, est forcé d’appliquer sa force productive au genre de travail qui convient le moins à ses dispositions naturelles. C’est enfin parce que, dans cette société fondée sur la théologie