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Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/305

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Dio |37 e popolo, « Dieu et le peuple ». Dieu, c’est la grande abstraction, la grande protestation de l’être humain contre toutes les misères de la vie réelle, c’est le grand vide peuplé et enrichi de toutes les espérances humaines. Le peuple, tel que l’entend Mazzini, ce n’est pas le peuple réel, avec ses besoins, ses intérêts, ses souffrances et ses aspirations réelles ; ce n’est pas ces innombrables millions d’êtres humains éternellement maltraités, opprimés, exploités, décimés, pour la plus grande gloire des États et au profit des castes privilégiées ; ce n’est pas enfin cette masse formidable[1] qui, fatiguée de son esclavage et arrivée enfin à la conscience de ses droits humains et de sa toute-puissance collective, se prépare aujourd’hui à renverser tout ce qui l’opprime, et à fonder sur les ruines du passé son monde à elle, le monde de l’avenir.

Le peuple de Mazzini est une abstraction comme son Dieu, une sorte de marchepied volontaire de la puissance, de la grandeur et de la gloire de son État. C’est un peuple de moines, de fanatiques religieux qui, renonçant à toutes les jouissances matérielles et trouvant leur suprême bonheur dans le sacrifice, se dévouent éternellement à la mort pour faire vivre la grande République italienne, et pour nourrir de leur chair cette fiction de la liberté politique collective que je ne puis me représenter autre-

  1. C’est ici que, comme il a été dit dans l’Avant-propos, Bakounine a tiré une double barre verticale, en écrivant en marge : Envoyé jusque-là.