Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/273

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le nom de Guillaume, je la signai pour ne point me séparer de mes amis, et pour ne point décliner la solidarité qui me liait à eux ; mais, tout en la signant, j’écrivis à Guillaume tout ce que j’en pensais. C’était, selon moi, une protestation injuste d’un côté, et de l’autre impolitique et absurde. Ce fut bien heureux pour nous que cette protestation, déjà signée par les Espagnols et les Italiens, ait été enterrée. Car si elle avait vu le jour, ce serait alors qu’on aurait crié contre nous et qu’on nous aurait accusés d’intrigues[1].

  1. On me permettra, pour faciliter l’intelligence de cet alinéa, de reproduire un passage de L’Internationale, Documents et Souvenirs, (tome 1er, p. 269), où j’ai parlé de l’incident que rappelle ici Bakounine :
    « Au moment où le Conseil général adressait aux divers comités, le 16 janvier 1870, sa Communication privée du 1er janvier, Robin et Perron, de leur côté, dans leur zèle intempestif, prenaient l’initiative d’une démarche encore plus maladroite que ne l’avaient été les articles de l’Égalité [articles où Robin avait taquiné le Conseil général]. Ils rédigèrent — ou plutôt Robin rédigea, car je crois qu’il fut seul à tenir la plume — une sorte de pétition au Conseil général, qu’ils eurent l’idée de faire signer à un certain nombre de membres de l’Internationale, délégués au Congrès de Bâle, pour l’envoyer ensuite à Londres. Je ne me rappelle pas dans quels termes cette pièce était conçue. Tout ce que je puis dire, c’est qu’ils me la communiquèrent en me demandant ma signature, que j’eus la faiblesse de leur donner. Ils la communiquèrent également, entre autres, à Sentiñon à Barcelone et à Bakounine à Locarno. Bakounine et Sentiñon signèrent, et ce dernier envoya ensuite le document à Varlin, à Paris. On lit à ce sujet ce qui suit, dans l’acte d’accusation contre les trente-huit membres de l’Internationale parisienne inculpés d’avoir fait partie d’une société secrète (audience du 22 juin 1870 de la 6e Chambre du tribunal correctionnel de Paris) : « Sentiñon, de Barcelone (Espagne), l’un des délégués au Congrès de Bâle, transmet à Varlin, le 1er février, une pièce qu’il a reçue de Genève, et qu’il prie ce dernier de renvoyer, après qu’elle aura été signée par les membres de l’Internationale à Paris, à Richard, qui la fera lui-même parvenir à Genève. C’est une pétition au Conseil général pour obtenir qu’il reste serre ses liens avec l’Association par des communications fréquentes et régulières. » (Troisième procès de l’Internationale à Paris, p. 42). Dans la lettre qu’il écrivait à Varlin, en lui envoyant ce document, Sentiñon disait : « À vous, qui suivez sans nul doute le mouvement actuel de la France, ferons-nous encore remarquer que les événements les plus graves peuvent surgir d’un jour à l’autre, et qu’il est extrêmement funeste que le Conseil général ne soit pas depuis longtemps en correspondance active avec ceux qui se trouveront à la tête du mouvement révolutionnaire ? » (Ibid., p. 43). Je crois me souvenir que Varlin adressa — comme Bakounine m’en avait adressé à moi-même — des observations à Robin sur l’inopportunité de la démarche proposée, observations à la suite desquelles les auteurs de la pétition renoncèrent à la faire parvenir à Londres. »
    On voit, par la façon dont Bakounine s’exprime (« Ce fut bien heureux pour nous que cette protestation ait été enterrée, car, si elle avait vu le jour, c’est alors qu’on aurait crié contre nous »), qu’il ignorait, à ce moment, que la « pétition » avait été envoyée à Paris par Sentiñon, que la lettre de Sentiñon à Varlin avait été lue au procès de juin 1870) puis publiée dans le volume édité par Le Chevalier, et que par conséquent Marx avait pu avoir connaissance de la démarche tentée par Robin et Perron.