Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/356

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le fera. Nous sommes certainement des socialistes et des révolutionnaires sincères : eh bien, si on nous donnait le pouvoir et que nous le conservassions quelques mois seulement, nous ne serions plus ce que nous sommes maintenant. Comme socialistes, nous sommes convaincus, vous et moi, que le milieu social, la position, les conditions d’existence sont plus puissants que l’intelligence et la volonté de l’individu le plus fort et le plus énergique, et c’est pour cette raison, précisément, que nous demandons l’égalité non naturelle, mais sociale, des individus, comme condition de la justice et comme base de la moralité ; et c’est pour cela encore que nous détestons le pouvoir, tout pouvoir, comme le peuple le déteste.

Mazzini adore le pouvoir, l’idée du pouvoir, parce qu’il est bourgeois et théologien. Comme théologien, il ne comprend pas d’ordre qui ne soit ordonné et établi d’en haut ; comme politique ou bourgeois, il n’admet pas que l’ordre puisse être maintenu dans la société sans l’intervention active, sans le gouvernement, d’une classe dominante, de la bourgeoisie. Il veut l’État ; donc il veut la bourgeoisie. Il doit la vouloir, et, si la bourgeoisie actuelle cessait d’exister, il devrait en créer une nouvelle. Son inconséquence consiste à vouloir maintenir la bourgeoisie, et à vouloir en même temps que cette bourgeoisie n’opprime et n’exploite pas le peuple ; et il s’obstine à ne pas comprendre que la bourgeoisie n’est la classe dominante et exclusivement intelligente que