Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/393

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pendance, de la grandeur, de la puissance, de la gloire, de l’honneur, et, si vous voulez, de la liberté politique de l’État unitaire, en même temps qu’il lui inspirait le plus généreux et le plus héroïque sacrifice d’elle-même et de ses propres intérêts, lui a fait considérer le peuple comme une espèce de matière plastique à la disposition de l’État, comme une masse passive, plus ou moins inintelligente et brutale, qui devait s’estimer très honorée et très heureuse de servir d’instrument plus ou moins aveugle, et de se sacrifier — à quoi ? à la grandeur et à ce que, dans le jargon garibaldino-mazzinien, on appelle la « liberté » de l’Italie.

La jeunesse mazziniano-garibaldienne ne s’était jamais posé cette question : Que représente effectivement cet État italien pour le peuple ? Pourquoi doit-il l’aimer et tout lui sacrifier ? Quand on posait cette question à Mazzini, — et on ne la lui posait que bien rarement, tant elle semblait simple et facile, — il répondait par des grands mots : « Patrie donnée par Dieu ! Sainte mission historique ! Culte des tombeaux ! Souvenirs solennels des martyrs ! Long et glorieux développement de traditions ! Rome ancienne ! Rome des papes ! Grégoire VII ! Dante ! Savonarole ! Rome du peuple ! » Et c’était si nébuleux, si beau, et en même temps si absurde, que cela suffisait pour éblouir et étourdir des jeunes esprits plus faits d’ailleurs pour l’enthousiasme et la foi que pour la raison et la critique. Et la jeunesse italienne, en se faisant tuer pour cette