Page:Bakounine - A mes amis russes et polonais, 1862.djvu/17

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peuvent seuls la tenir sous un joug qu’elle hait. Qu’un seul d’entre eux brise cette alliance et la Pologne est libre ! — Les Allemands tiendront fermement ensemble, mais c’est à nous de nous en séparer, nous ne devons plus être les Allemands de St. Petersbourg. Nous devons briser avec eux parce que la justice le demande, et puis parce qu’il est temps d’en finir avec ce péché honteux et mortel que nous avons commis envers la grande martyre slave, il est temps de ne plus nous tuer nous-mêmes et de nous barrer notre seule issue, notre avenir en Pologne.

Tant que nous l’opprimons, toute route au monde slave nous est fermée.

Il y a peu de personnes maintenant, en Russie, qui osent nier que la Pologne doit être libre. Pendant et après la guerre de la Crimée tout homme pensant a vu que cela était indispensable. Chacun a compris que, de même que notre amitié allemande, l’esclavage polonais, loin d’augmenter notre force, nous paralyse sous tous les rapports. On va jusqu’à raconter que l’empereur Nicolas lui-même, se préparant à déclarer la guerre à l’Autriche, voulait appeler à une levée d’armes commune tous les slaves autrichiens et turcs, les Madjars et les Italiens. Lui-même, il avait soulevé l’orage oriental et, pour s’en garantir il voulait d’Empereur-despote se transformer en Empereur-révolutionnaire.

On dit que les proclamations des Slaves étaient déjà signées et, entre autres, une proclamation aux Polonais. Quelle que fût la haine qu’il portait à la Pologne, il comprit qu’un soulèvement slave était impossible sans qu’elle y participât, et, forcé par les circonstances, il s’était, dit-on, vaincu à un tel point, qu’il reconnaissait l’indépendance de la Pologne, mais, avec l’arbitraire qui lui était propre, seulement depuis la rive gauche de la Vistule. Cependant ce plan lui parut, probablement, trop monstrueux. — Il mourut. Mais, depuis lors, la pensée que la Pologne doit être libre ne meurt pas en Russie. Elle s’est maintenant emparée de tous les esprits. La question n’est que : comment l’affranchir ? Il se peut bien que les Polonais demandent trop. Ils ne se contentent pas du royaume de Pologne, ils veulent avoir des prétentions historiques à la Lithuanie,