Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/128

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mener cette vie calme et tranquille et, malgré moi, j’ai été condamné à ce repos de tant d’années, qu’il est temps de me retremper dans la vie active. En Sibérie, je me suis borné à faire de la propagande au milieu des Polonais, qui n’a pas été tout à fait infructueuse. Je parvins à convaincre les hommes les plus méritants et les plus forts d’entr’eux de l’impossibilité absolue pour les Polonais de s’isoler et de se détacher de la vie russe et que, par conséquent, la réconciliation avec la Russie était de toute nécessité pour eux. Je réussis également à convaincre Mouravieff que la décentralisation de l’empire russe s’imposait ; je lui fis comprendre en même temps toute la sagesse de la politique slavo-fédéraliste et que c’est dans cette politique seule qu’on trouverait le salut. À présent, il faut que je puisse rentrer en Russie pour me mettre à la recherche des hommes dévoués ; il faudra renouveler les anciennes relations avec ceux d’entre eux que j’ai connus et m’ingénier à trouver de nouveaux amis, afin de mieux connaître la Russie elle-même et enfin m’efforcer de deviner ce que le pays peut ou ne peut pas nous donner. Il serait étonnant que le mouvement dans l’intérieur de la Russie, provoqué par la question de l’affranchissement des serfs, de concert avec le mouvement extérieur, qui au premier coup d’œil semble être suscité par Napoléon, mais qui, en réalité, n’est dû qu’à la Révolution, toujours vivace, et dont Napoléon n’est qu’un instrument, il serait étonnant, dis-je, que dans une action commune, tout cela n’ébranlât pas l’empire Russe. Espérons, tant que l’espoir est possible — et en attendant, mes amis, je vous dis adieu.    Votre dévoué,

M. Bakounine.