Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/169

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organisation j’aurais pu, précisément, ici, en Suède, rendre d’incontestables services. Pour ces détails, je m’adressai à Cierczakiewicz, qui ne daigna pas me répondre, peut-être, d’après vos conseils ; peut-être ne s’inspira-t-il que de lui-même, supposant que sur un signe, il pourrait m’envoyer où bon lui semblerait. Si vous n’aviez pas eu l’idée d’anticiper sur son appel par le télégramme de Junior, c’eût été pour lui une amère déception, car il ne m’eût pas fait bouger de place. Vous aviez la certitude qu’un seul mot de vous suffirait pour me faire m’élancer aveuglement en avant ; vous l’avez cru et vous ne vous êtes pas trompés, car, en effet, la foi que j’ai en vous n’a pas de limite. Mais il ne faut abuser de rien et même d’un amour si ardent, d’une foi si inébranlable. Songez que je ne suis plus un enfant, que, bientôt, je vais avoir mes cinquante ans sonnés ; qu’il ne me sied pas, et qu’il me serait même impossible de figurer auprès de vous en qualité de garçon de café ou de petit groom, que l’on fait courir çà et là. Dorénavant, je ne prendrai part à aucune affaire que je ne connaisse à fond et jusque dans ses moindres détails. Alors, même que j’eusse su combien peu de chance présentait l’issue de cette expédition, et que ma femme se fut trouvée à Londres, j’y aurais participé quand même, car dans tout mon être, j’avais conscience du devoir qui m’appelait en Pologne, et, toujours pour la même raison, qui à cette heure encore me pousse vers ce pays. Mais, à part cela j’étais persuadé que l’affaire pour laquelle, vous, mes éternels critiques, toujours prudents et sagaces, aviez montré un si vif intérêt, ne pourrait être entreprise et dirigée qu’en gardant le profond secret, pour assurer son succès. Je m’étais trompé. On