Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/238

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rent chez nous, une continuité, une immutabilité ; c’est la négation, au nom de l’État et de ses intérêts, de tout ce qui est humain, du droit de la liberté de l’individu et des populations, de leur vie même. Est-ce que le règne du knout et de la baïonnette, que l’on voit triompher aujourd’hui et au pouvoir desquels la vie populaire, est soumise dans la moindre de ses manifestations, n’est pas l’expression de la réaction la plus « régulière », la plus efficace, la plus terrible qui ait jamais existé dans le monde, mais qui est cependant indispensable. Et vous pouvez vous attendre que cette réaction systématique qui, je le répète, est une conséquence logique en Russie, produise des miracles dans l’ordre de choses psychologiques ? Vous pouvez hautement énoncer dans votre journal une supposition aussi erronée, qu’un empereur russe, en reniant tout ce que Pierre le Grand avait légué au pays, pût réunir en sa personne le tzar et le Stenka Razine !

Mes chers amis ! Je ne suis pas moins que vous un socialiste résolu, et c’est justement pour cette raison que je suis socialiste, que je me refuse absolument à comprendre comment le progrès social en Russie, le développement de ces germes, qui pendant plus de mille ans restèrent toujours vivaces, quoique refoulés au fond même de la vie populaire, pourrait être compatible avec l’existence ultérieure de cet empire de toutes les Russies. Je pense que nous, réfugiés, qui sommes forcés de vivre et d’exercer notre action au-delà des frontières du pays, nous avons le devoir sacré de proclamer hautement l’urgence de la destruction de ce détestable empire. Voilà le mot d’ordre que nous devons mettre en tête de notre programme. Vous me répondrez que cette déclaration ne serait pas pra-