Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/240

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me ne t’a mérité de leur part qu’un blâme, et s’ils te le pardonnèrent encore en quelque sorte, ce n’est qu’en prenant en considération tes services demi-officiels et parce qu’eux-mêmes te craignaient. Mais après l’assassinat d’Antoine Petroff et l’incarcération de Mikhaïloff et d’autres encore, lorsque, en faisant des arrestations à droite et à gauche, on mit la main sur nos meilleurs, nos véritables amis, et que tu déclaras hautement prendre leur défense, tes chauves partisans, pour la première fois, doutèrent de ton tact pratique ; en d’autres termes, ils doutèrent que la touchante entente avec l’empereur eût pu continuer. Il y eut des incendies ; on vit par-ci, par-là, la jeune Russie se remuer et ils vinrent te supplier d’être posé, de prendre de l’aplomb, comme déjà auparavant ils t’avaient supplié de ne pas publier la Cloche. Néanmoins, ils n’osèrent pas encore battre en retraite ouvertement, attendu que tes paroles avaient du retentissement comme par le passé.

Mais l’insurrection polonaise éclate et voilà que tu fléchis. En entendant les lamentations poussées par la presse reptile contre les Polonais et contre toi-même, — la presse libérale fut étouffée par le gouvernement, — tu faiblis, et tout d’un coup tu changes ton rôle. Tu abandonnes celui du justicier terrible qui foudroie et exécute sans peur ni relâche, pour prendre celui d’un favori offensé et délaissé qui demande à s’expliquer et qui est prêt à implorer le pardon. Alors, tes prétendus amis renoncèrent de reconnaître en toi leur chef ; mais comme ils ne peuvent demeurer indépendants, pour se donner un maître ils s’élancèrent tous comme un troupeau vers ton adversaire Katkoff qui n’a jamais cessé de te prodiguer ses injures. « S’il lui lance des injures,