Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/383

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tion de cette énigme. Je n’ai jamais été propriétaire réel de cette villa et je n’ai servi que de « prête nom » à mon riche ami Cafiero. Il a été décidé que j’en serai le propriétaire nominal, afin de devenir citoyen dans le canton. Nous l’avons jugé nécessaire, parce que, en ma qualité de citoyen, je ne pourrais plus être expulsé du canton du Tessin, ma résidence, dans lequel il était indispensable que je pusse demeurer. C’est ainsi que j’acquis bientôt la réputation de propriétaire bourgeois et je ne m’en affligeai nullement ; au contraire, je fis tout mon possible pour que cette nouvelle renommée ajoutée à mes titres se répandît partout le plus rapidement possible. Plus on me prêterait de qualités bourgeoises, plus utile et plus sûre devait être mon action anonyme.

Mais à présent, après avoir renoncé définitivement et irrévocablement à toute action politique, je n’ai plus besoin de me couvrir d’un masque, et, partant, j’ai remis mes plumes de paon à leur véritable propriétaire, mon ami Cafiero. Je me suis donc retiré de la villa et me suis installé avec ma famille à Lugano. As-tu bien compris ? Si oui, garde-le pour toi, et ne répète à personne ce que je viens de te dire.

D’ailleurs, je ne reste pas ici tout à fait oisif, les bras croisés ; je travaille même beaucoup, d’abord, j’écris mes mémoires ; en deuxième lieu je me prépare à écrire, dans le cas où mes forces ne me trahiront pas, ce qu’il me reste encore à dire, à exposer mes idées les plus intimes. En vue de cet ouvrage je lis beaucoup. Pour le moment, j’ai sur ma table de travail trois livres : Kolb’s Celtergeschichte der Menschheit, Autobiography de Stuart Mill et Schopenhauer.

As-tu lu l’Autobiography ? Si non, ne manque pas