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REINE D’ARBIEUX

cachette une tasse de tilleul à la jeune femme ; et elle était restée inerte dans son lit, l’estomac alangui, poussant de temps à autre de profonds soupirs. Ah ! la misère des femmes, elle la décou­vrait. Le soir où Germain l’avait tenue embrassée, elle avait cru tout lui pardonner ; pendant un ins­tant, un sentiment éternel les avait unis ! Elle s’étonnait ou plutôt se scandalisait de le voir si vite revenu à ses habitudes de violence : quelles que fussent les circonstances, il ne pouvait souffrir d’être gêné ni contrarié ; et elle le craignait davan­tage, comme si son état la faisait plus faible, l’exposait à tous les périls.

« J’aurais besoin de calme, pensait-elle. S’il pouvait seulement pendant ma grossesse me laisser en paix. Plus tard, tout me sera égal ! »

La sage-femme ne lui avait fait qu’une visite. Reine aurait souhaité la voir souvent, entendre une parole qui la rassurât. « Ce n’est pas la peine, affir­mait cette matrone qui venait de loin. Puisque tout va bien ! » Si tout allait bien, pourquoi cette lassitude infinie, cette sensation d’insécurité ?

« Dans six mois, mon enfant naîtra, je le con­naîtrai ! » Pensée rayonnante qui effaçait chaque jour un peu plus les autres. Maintenant elle ne songeait plus beaucoup à Adrien ; elle n’avait plus besoin d’amitié et les livres même lui deve­naient indifférents. Un grand silence au fond de l’être ; une atmosphère si chaude, si douce, pour que s’éveille dans le tiède nid de chair la petite vie !