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REINE D’ARBIEUX

du corps cahoté qui recèle un germe précieux. Com­ment osait-il lui imposer cette épreuve inutile ? Et pour son plaisir ! Elle se rappela avoir entendu dire un jour au docteur Ychoux : « Il est sûr qu’une femme enceinte est plus vulnérable. » C’était bien cela ! Cette pensée la remua jusqu’aux entrailles. Non, non, elle ne céderait pas à son caprice. C’était de sa part trop d’égoïsme. L’instinct maternel s’in­surgeait en elle contre la tyrannie de cet homme qui la traitait comme une chose à lui, sans ménagements. Faute d’éducation ? Oui, mais aussi faute de cœur. Tant pis pour lui s’il la pous­sait à la révolte : « Ce n’est pas pour moi, pen­sait-elle, mais pour le petit », puisant dans ce mot une vie chaude et douce dont tout son être était soulevé.

— Nous n’aurons qu’à faire la route en deux étapes, concéda Germain.

Mais elle ne voulait rien entendre. Ne lui avait-elle pas dit que c’était impossible ? Elle se leva sans répondre, rentra au salon, ouvrit un livre, surexcitée, sans pouvoir fixer son esprit, aussi inca­pable de se posséder qu’elle l’avait toujours été, grossissant sa rancune de toute sa sensibilité de femme.

Le lendemain, il ne lui avait plus parlé de rien. Mais, quand elle le vit après le déjeuner, devant le garage, donnant des ordres au jardinier qui lavait l’auto, elle ne s’étonna pas. Ne savait-elle pas qu’il était toujours le plus fort ? Puis elle se sentit à bout de résistance. La nuit avait passé sur sa colère,