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REINE D’ARBIEUX

à une petite distance de La Font-de-Bonne. Quand le comte était mort, peu de temps après l’armistice, il avait laissé dans une situation embarrassée sa femme et sa fille infirme, Clémence, dont l’histoire devait être intimement liée à celle de Reine.

Cet après-midi, il y avait réception sur la terrasse. Quelques familles de la société bazadaise, encouragées par la beauté du mois de septembre, s’étaient annoncées. On avait vu venir d’abord un break, puis une victoria qu’escortait un groupe de jeunes gens à bicyclette dans l’allée d’arbres.

Sous la tête épaisse de l’ormeau, formant des étages de feuillée, à peine transpercés de quelques flèches d’or, qui voilaient le ciel, Mme Fondespan, trônant dans un fauteuil en bois de châtaignier, était entourée de personnes d’âge. C’était une femme tassée, au visage lourd, fortement marqué par d’épais sourcils, et qui respirait l’autorité. Elle jetait vers la route de fréquents coups d’œil.

Sa sœur, Lucie de la Brèche, en robe de soie noire, le regard somnolent et la voix plaintive, formait avec elle un frappant contraste. À cinquante ans, épaissie par la vie sédentaire et dure d’oreille, elle gardait sur sa figure régulière, coiffée en bandeaux, des traces de beauté. Une miniature ovale — le portrait de Marie-Antoinette encerclé de perles — fermait son corsage. Dans la société du pays, composée de femmes pieuses et ménagères, inflexibles sur la morale, et qui compliquaient leur vie sans horizon de choses infimes, elle avait jeté un vif éclat, au temps de sa jeunesse, alors qu’elle