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REINE D’ARBIEUX

Elle eut un gémissement qui arrêta sur ses lèvres le flot de rancune. Il s’interrompit. À bout de forces, elle avait distingué dans l’obscurité une barrière à claire-voie peinte en couleur blanche, et s’y appuyait. Sa robe souillée d’eau et de boue collait à ses jambes. Était-ce bien elle, jusqu’à ce jour parée d’une fierté charmante, qui n’était plus qu’une femme sans asile, tremblante de faim, de froid et de fièvre, et errant dans la nuit comme une vagabonde ? Ce fut alors qu’elle eut, pour la pre­mière fois, le sentiment de sa déchéance.

« Qu’importe ! pensa-t-elle douloureusement. » Que lui faisait, à cette heure, le mépris de tous ? Il ne lui restait plus qu’une issue : s’enfuir aussitôt et demander un refuge à Clémence qui, seule, la croirait. Tout au moins, son esprit surexcité ne voyait rien d’autre. Une crise de larmes la secoua, puis une quinte de toux, qui éveilla dans son côté droit des douleurs aiguës.

Adrien protesta avec amertume.

— Vous vous faites mal.... Cet homme n’en vaut pas la peine.

Il s’était accoudé près d’elle, à l’extrémité de la barrière. Un brouillard fade montait des prés. Ils parlèrent longtemps dans la nuit. « Non, répé­tait-il, vous ne trouverez pas une carriole et un cheval à cette heure. C’est de la folie. » Mais une idée se formait dans son esprit, qui le faisait frémir d’une immense joie.

— Venez, dit-il, c’est moi qui vais vous accom­pagner.