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REINE D’ARBIEUX

tail, la route. Que la grande lumière lui faisait mal ! Le temps était beau. Un matin pur de brise et de doux soleil sur le pays rouillé par l’automne. Germain tourna comme une bête captive autour du jardin ; puis, s’éloignant de la papeterie, où l’odieuse nouvelle s’était peut-être déjà répandue, marcha sur la route. Par une illusion commune à tous ceux qui souffrent, il avait l’impression que chaque pas le rapprochait de sa délivrance, diminuait une distance mystérieuse entre lui et Reine. « Si je la retrouve, je la ramènerai de gré ou de force. » Mais où la trouver ? Il se refusait à croire qu’elle était partie avec Adrien. Comme il revivait la scène de la veille, il découvrit dans le souvenir de ses violences une sorte d’apaisement. À quoi bon se monter la tête ? Elle s’était sauvée — et il sursauta de nouveau à cette pensée — parce qu’il l’avait menacée, frappée, alors qu’il eût suffi d’un peu de douceur pour la soumettre.

« Quand elle reviendra, je ne lui dirai rien. Tout sera effacé. Nous recommencerons ensemble notre vie. »

Ainsi se rassurait-il de vaines promesses, sur la route vide qui sentait la rosée et la pomme douce, où il fuyait en somnambule, jouissant de sentir anesthésié pour un moment le mal redoutable tapi dans son corps. Comme on se dérobe à un accès proche, à l’heure où la fièvre monte, il s’inoculait des idées calmantes : oublier… pardonner… retrouver intact ce qu’on a perdu. Mais la pensée que rien de tout cela ne serait arrivé, s’il n’avait eu la fai-