Page:Balde - Reine d'Arbieux, 1932.pdf/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
189
REINE D’ARBIEUX

des arbres, l’air avait une odeur de brouillard et d’automne qui pénétrait Reine. À deux ou trois reprises, un frisson l’avait parcourue. Mais, sous le voile qui couvrait sa tête, et dont elle chiffonnait d’une main le nœud sur sa gorge, pour la protéger, elle sentait ses joues brûlantes de fièvre.

Confusément, elle entendait la voix d’Adrien :

— Voyons, disait-il d’un ton persuasif, avez-vous vraiment pensé que je vous conduirais dans votre famille ?… Qu’iriez-vous faire ? Si vous aviez un père et une mère, je vous jure que j’aurais agi autrement…

Ils passaient dans la lueur d’un réverbère, éclairant l’allée où leurs deux corps rapprochés ne formaient qu’une ombre.

Reine répéta, non plus avec indignation, comme elle l’avait fait au premier moment, mais d’une voix blanche :

— Vous n’auriez pas dû. Et moi qui ne me suis aperçue de rien ! Il faisait noir… Je crois que je m’étais endormie…

Ainsi cherchait-elle à se justifier, plus attentive au réveil épouvanté de sa conscience qu’au sentiment de sa situation. N’avait-elle pas dit qu’elle voulait aller tout de suite à La Renardière ? Elle serra le bras d’Adrien et le supplia encore de l’y ramener : en deux heures, s’il le voulait bien, il pouvait réparer cette folie ; et elle imaginait le petit castel perdu au milieu des arbres, qui se refermerait sur sa détresse, sur ses remords, et où elle serait délivrée du mal.