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REINE D’ARBIEUX

qu’il avait forcée, s’était effondrée au bas d’une côte. Il avait fallu l’abattre sur place. Sans doute aurait-il continué de vivre ainsi, écoutant le gron­dement de la chute qui écumait au bas de l’usine, et le murmure sauvage du vent dans les pignadas, s’il n’avait un jour, sur la place de la Cathédrale, rencontré Reine.

Cependant M. Dutauzin, irréprochable, ganté de fil gris, le regard éteint dans un visage infiltré de bile, posait au jeune homme diverses questions. Était-il vrai qu’un récent incendie dans les bois de Beaulac était dû à la malveillance ? La veille, se promenant sur la route pavée, il avait rencontré les gendarmes à cheval fort affairés.

Germain regardait Régis. Quand celui-là serait parti, il respirerait. Depuis deux mois que sa jalousie avait éclaté, il s’attachait à ce supplice de voir Reine s’épanouir, fleur d’été, auprès de l’homme qu’il haïssait ! Combien il avait détesté l’éclat répandu sur elle ! Du moins était-ce, cet après-midi, sa cruelle revanche de la sentir triste, blessée d’une peine qui semblait, sans larmes, jaillir de ses yeux.

Si Régis était resté, bien que pauvre et entravé par de lourds devoirs, qui aurait pu répondre de l’avenir ? Mais il partait. Il serait des années sans revenir. Germain mesurait sa chance. Dans cette solitude qui suit le départ d’un être aimé, la fai­blesse de Reine lui apparaissait. S’il ne pouvait s’empêcher de la regarder, embrasé de son mal profond, la pensée que cette journée était la der-