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REINE D’ARBIEUX

sionnés, ou doués d’une trop vive imagination, elle n’admettait d’autres malheurs que ceux dont on peut au grand jour dresser l’inventaire.

— Je crains, mon enfant, de m’être brouillée avec ta tante, avait dit à son retour Mme de la Brèche. Mais Reine n’avait pas répondu une parole.

En ces premières semaines de décembre où le brouillard estompait les fuseaux sombres de la sapinière, elle restait couchée, les yeux tournés vers la fenêtre. Elle paraissait accablée et indif­férente. Parce que la croisée était petite, à me­neaux, dans une embrasure profonde, il y avait peu de jour dans la chambre. Le vent aigre agitait derrière les vitres le squelette noir d’un arbre un peu déjeté, qui portait au printemps des grappes roses.

Clémence s’asseyait une partie de la journée auprès de son lit. Il semblait que Reine ne la vît pas, ou que sa présence eût cessé de lui dispenser un bienfait paisible. Les heures passaient sans qu’aucune lueur animât son regard sans larmes, sec et vidé de toute joie : avec une morne obstina­tion, elle s’absorbait dans ses pensées, recomposant ce qui avait été, ce qui aurait pu être, ne parvenant pas à épuiser les sentiments d’amère tristesse que son évasion avait déposés dans son cœur saignant de vives blessures.

Élodie entr’ouvrait la porte avec précaution.

— Qu’est-ce que Madame voudra pour son déjeuner ?