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REINE D’ARBIEUX

Mais la vivacité avec laquelle sa femme habi­tuellement souple, presque un peu passive, lui avait répondu, hantait son esprit. Lui avait-il jamais vu ce visage enflammé ? Sa voix trem­blait de chagrin et d’indignation :

— Pourquoi voulez-vous gâter mon plaisir ? lui disait-elle. Je n’ai donc plus le droit de voir per­sonne ? Vous prétendez écarter de moi tous ceux qui me plaisent !

Il l’écoutait, stupéfait de ses reproches, mais plus encore de l’état d’agitation où il la voyait. À bien réfléchir, cela avait été une sottise de la rudoyer, alors que cette réception l’avait fatiguée ; c’était une nature sensible, impulsive, qui réclamait des ménagements. Quand ils seraient réconciliés, il se souviendrait de prendre plus de précautions. Mais voudrait-elle faire la paix ? Les sourcils de Sourbets s’étaient rapprochés. Comme cette fin d’après-midi aurait pu être heureuse et tranquille ; c’était l’heure où il la rejoignait habituellement au jardin avant le dîner : il regardait dans les lauriers embués d’or par le soleil couchant le hamac suspendu, puis les allées vides, avec un étrange sentiment de crainte.

Reine avait marché longtemps dans sa chambre, à moitié déshabillée, la figure animée d’un éclat fébrile. La violence de Germain la révoltait. « Il me soupçonne, il veut détruire jusqu’à mon passé, » se disait-elle, bien que Sourbets n’eût pas prononcé le nom de Régis. « Il croit que je lui cache quelque chose. » Ce n’était pas vrai ; par devoir sans doute,