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Page:Bally - Le Langage et la Vie, 1913.djvu/51

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ou réparée par une réorganisation parallèle du système.

Or, et c’est là que nous voulions en venir, de cette perpétuelle reconstruction, les individus n’ont aucune notion, et pourtant chacun pour sa part y travaille ; il y a entre eux une sorte d’accord tacite, dicté par le sentiment de la fonction du langage et de sa structure ; mais, de tout cela, nul ne pourrait rendre compte. Ce phénomène ne fait-il pas penser à une ruche d’abeilles qu’un apiculteur maladroit endommagerait sans cesse et que les diligentes ouvrières, guidées par un instinct aussi sûr qu’aveugle, reconstruiraient sur un plan tracé d’avance et ignoré de toutes ?

Telles sont les raisons pour lesquelles je pense que le langage naturel et spontané, instrument d’expression et d’action dans la vie réelle, mérite d’être étudié dans ce qui fait son essence, c’est-à-dire son contenu subjectif et affectif. C’est cet ordre de recherches que j’ai mis depuis bien des années à la base de mon enseignement universitaire et de mes publications. Mais ces recherches heurtent trop quelques-unes de nos conceptions traditionnelles pour ne pas soulever des objections J’ai essayé plus haut de répondre à celle qui veut que le langage soit régi par la logique,