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L’HOMME DE COUR

qu’il apprenne de la nature à ne les point exposer qu’ils ne soient en état de pouvoir paraitre.

CCXXXII

Savoir un peu le commerce de la vie.

Que tout ne soit pas théorie, qu’il y ait aussi de la pratique. Les plus sages sont faciles à tromper, car bien qu’ils sachent l’extraordinaire, ils ignorent le style ordinaire de vivre, qui est le plus nécessaire. La contemplation des choses hautes ne les laisse pas penser à celles qui sont communes ; et comme ils ignorent ce qu’ils devaient savoir le premier, c’est-à-dire ce que chacun sait, ils sont regardés avec étonnement, ou tenus pour des ignorants par le vulgaire, qui ne s’arrête qu’au superficiel. Que le sage ait donc soin d’apprendre du commerce de la vie ce qu’il lui en faut pour n’être ni la dupe, ni la risée des autres. Qu’il soit homme de maniement, car bien que ce ne soit pas là le plus haut point de la vie, c’en est le plus utile. À quoi sert le savoir, s’il ne se met pas en pratique ? Savoir vivre est aujourd’hui le vrai savoir.

CCXXXIII

Savoir trouver le goût d’autrui.

Car autrement c’est faire un déplaisir, au lieu d’un plaisir. Quelques-uns chagrinent par où ils pensent obliger, faute de bien connaitre les esprits. Il y a des actions qui sont une flatterie