Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/122

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le fermier), toutes les fois que Muirland se retournait, fixait sur lui deux yeux flamboyans, d’un bleu profond, sur lesquels aucun cil ne dessinait son ombre, et dont nulle paupière ne voilait l’insupportable clarté. Il piqua des deux ; la même curiosité le poussait toujours à savoir si sa persécutrice était là ; elle ne le quittait pas ; en vain lançait-il sa jument au galop, en vain les bruyères et les montagnes disparaissaient et fuyaient sous les pas de l’animal, Muirland ne savait plus ni quelle route il suivait, ni vers quel but il conduisait la pauvre Meg. Il n’avait qu’une idée, le spunkie, son compagnon de route, ou plutôt sa compagne, car cette figure féminine avait toute la malice et toute la délicatesse qui conviennent à une jeune fille de dix-huit ans.

La voûte du ciel se couvrait de nuées épaisses qui le rétrécissaient par degrés. Jamais pauvre pécheur ne se trouva lancé seul au milieu de la campagne dans une plus satanique obscurité. Le vent soufflait comme s’il eût voulu éveiller les morts ; la pluie tombait, emportée diagonalement par la violence de l’orage. Les lueurs rapides de l’éclair disparaissaient, dévorées par les nues ténébreuses qui se refermaient sur elle