Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/234

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achetez la création, monsieur, à ce que je vois ! Combien payeriez-vous le soleil, s’il vous plaît, à supposer qu’un beau matin on le mît dans le commerce ? »

Que signifiaient ces orgueilleuses paroles du pauvre luthier ? Sa piété filiale s’indignait-elle du marché qu’on lui proposait, ou son amour-propre d’auteur se révoltait-il de la mesquine estimation faite de son œuvre ? L’acquéreur interpréta l’apostrophe dans ce sens, et il donna aussitôt la somme ; mais Tobias répondit de nouveau que son violon n’était pas à vendre, que sa gloire était désormais immortelle (comme celle de tous les poètes de nos jours apparemment) et que cela lui suffisait. Malheureusement pour lui, il avait à faire à un vouloir de prince qui ne s’étonnait pas facilement des obstacles. Tirant de sa poche un portefeuille qui pouvait bien contenir 12,000 livres en billets de banque, lesquels furent étalés sur une table, plus une bourse pleine d’or, pour le moins aussi bien garnie que celle des séducteurs de comédie : « Pour ceci votre violon ! » s’écria le royal dilettante. A la vue de ces richesses, l’orgueil du