Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/274

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aussi savantes. Le père des trois jeunes filles, ainsi que la plupart de ses confrères, était un intrépide chasseur ; grâce à un long exercice, presque toujours ivre encore du vin de la veille, il revenait cependant sain et sauf à six heures du soir de ses excursions périlleuses. Le lendemain matin à cinq heures il recommençait, et sa vie se passait ainsi. Ses filles étaient pour lui comme si elles n’eussent pas existé ; une de ses sœurs en prenait soin, ou plutôt, depuis qu’elles avaient perdu leur mère, enlevée à vingt-trois ans par la phthisie, elles étaient absolument livrées à elles-mêmes et au pressentiment du sort qui les attendait.

Caroline devait mourir la première.

Elle ne ressemblait en rien à ses deux sœurs, toutes deux plus âgées qu’elle ; elle avait près de dix-sept ans. Plus jolie que belle et plus gracieuse que jolie, ses grands yeux bleus étincelaient d’un feu vif, dont l’éclat attristait : c’était la lampe prête à finir. La légèreté de sa course, la promptitude de ses réparties, l’abandon de ses jeux naïfs ; une gaieté vive qui se mêlait à la précision de sa fin prochaine, contrastaient étrangement avec la douceur résignée d’Emma et l’expression ardente et passionnée de Marie.