Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/289

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enant…

Henri cachait sa figure entre ses mains et pleurait.

« Mon ami, lui dit-elle, je vais là où sont mes sœurs, là où nous nous reverrons tous, là où nous nous retrouverons. Adieu… embrassez-moi une fois avant de mourir. »

Il se baissa ; à peine eut-elle la force de l’entourer de ses bras… un long soupir s’échappa… c’était le dernier.

J’ai assisté aux funérailles de la dernière de ces infortunées ; je l’ai vue descendre dans l’étroit et dernier séjour où elle repose. La stupide et muette douleur du père me pénétra. L’ame de cet homme était elle-même ébranlée. Quant à moi, le souvenir des trois sœurs ne m’a plus quitté. Que sont les grandes infortunes dont on nous parle, les angoisses des ambitions trompées qui remplissent l’histoire, les malheurs bruyans, les catastrophes éclatantes qui nous émeuvent parce qu’elles nous effraient, auprès de cette vie, de cette mort, de ce long supplice, de ce mouvement continuel, sensible, vers le terme fatal, de cette longue souffrance suivie d’un long oubli !