Page:Balzac, Chasles, Rabou - Contes bruns, 1832.djvu/356

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de toute sa vie, concentrée dans cette passion, et s’étant déshéritée pour elle de tous les plaisirs, de toutes les pensées de la jeunesse.

Un jour ces deux natures, celle de Pierre Leroux s’élevant d’un degré à peine au-dessus de la portée de la brute, et celle de M. Desalleux, abstraite et rectifiée jusqu’au spiritualisme de la plus haute pression, se trouvèrent face à face. Il s’agissait entre eux d’un mince débat : M. Desalleux, siégeant en son tribunal, demandait sur quelques indices assez insignifians la tête de Pierre Leroux accusé d’un meurtre, et Pierre Leroux défendait sa tête contre les empressemens de M. Desalleux.

Malgré la remarquable disproportion de forces que la Providence avait mise dans ce duel entre les deux combattans, malgré l’intervention de l’institution humaine, venant encore déranger la juste répartition des chances dans le pair ou non qu’allait prononcer le jury ; faute de preuves concluantes, l’accusé, selon toute apparence, aurait échappé aux mains du bourreau ; mais de cette indigence même de l’accusation résultait pour elle l’occasion de faire un placement extraordinaire d’éloquence, lequel devait devenir singulièrement utile à