comme une couverture, empêchait de voir le corps. Enfin, un énorme cache-nez en cachemire rouge montait jusques sur les yeux. Le chapeau, crânement mis sur le côté, n’avait cependant rien de ridicule. Jamais un mystère ne fut si mystérieusement emballé, entortillé.
— Gare ! cria le tigre qui précédait à cheval le tilbury. Papa Poupard ! ouvrez ! cria-t-il d’une voix aigrelette.
Les trois domestiques du Mulet s’attroupèrent, et le tilbury fila sans que personne pût voir un seul des traits de l’inconnu. Le sous-préfet suivit le tilbury et vint sur le seuil de la porte de l’auberge.
— Madame Poupard, dit Antonin, voulez-vous demander à votre monsieur… monsieur !…
— Je ne sais pas son nom, dit la sœur de Gothard.
— Vous avez tort ! les ordonnances de police sont formelles, et M. Groslier ne badine pas, comme tous les commissaires de police qui n’ont rien à faire.
— Les aubergistes n’ont jamais de torts en temps d’élection, dit le tigre qui descendait de cheval.
— Je vais aller répéter ce mot à Vinet, se dit le sous-préfet. — Va demander à ton maître s’il peut recevoir le sous-préfet d’Arcis.
Et Antonin Goulard rejoignit les trois promeneurs, qui s’étaient arrêtés au bout de l’Avenue en voyant le sous-préfet en conversation avec le tigre, illustre déjà dans Arcis par son nom et par ses reparties.
— Monsieur prie monsieur le sous-préfet de monter, il sera charmé de le recevoir, vint dire Paradis au sous-préfet quelques instants après.
— Mon petit, lui dit Olivier, combien ton maître donne-t-il par an, à un garçon de ton poil et de ton esprit ?…
— Donner, monsieur ?… Pour qui nous prenez-vous ? Monsieur le comte se laisse carotter… et je suis content.
— Cet enfant est à bonne école, dit Frédéric Marest.
— La haute école ! monsieur le procureur du roi, répliqua Paradis en laissant les cinq amis étonnés de son aplomb.
— Quel Figaro ! s’écria Vinet.
— Faut pas nous rabaisser, répliqua l’enfant. Mon maître