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moyen fut employé, malgré son inconvénient, qui consiste à rendre la bordure souvent aussi considérable que la toile.


À la fin du mois d’avril 1839, sur les dix heures du matin, le salon de madame Marion, veuve d’un ancien receveur général du département de l’Aube, offrait un coup d’œil étrange. De tous les meubles, il n’y restait que les rideaux aux fenêtres, la garniture de cheminée, le lustre et la table à thé. Le tapis d’Aubusson, décloué quinze jours avant le temps, obstruait les marches du perron, et le parquet venait d’être frotté à outrance, sans en être plus clair. C’était une espèce de présage domestique concernant l’avenir des élections qui se préparaient sur toute la surface de la France. Souvent les choses sont aussi spirituelles que les hommes. C’est un argument en faveur des Sciences Occultes.

Le vieux domestique du colonel Giguet, frère de madame Marion, achevait de chasser la poussière qui s’était glissée dans le parquet pendant l’hiver. La femme de chambre et la cuisinière apportaient, avec une prestesse qui dénotait un enthousiasme égal à leur attachement, les chaises de toutes les chambres de la maison, et les entassaient dans le jardin.

Hâtons-nous de dire que les arbres avaient déjà déplié de larges feuilles à travers lesquelles on voyait un ciel sans nuages. L’air du printemps et le soleil du mois de mai permettaient de tenir ouvertes et la porte-fenêtre et les deux fenêtres de ce salon qui forme un carré long.

En désignant aux deux femmes le fond du salon, la vieille dame ordonna de disposer les chaises sur quatre rangs de profondeur, entre chacun desquels elle fit laisser un passage d’environ trois pieds.

Chaque rangée présenta bientôt un front de dix chaises d’espèces diverses.