Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/132

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d’ailleurs parfaitement polie et convenable, m’a paru accuser un souvenir encore bien vivant des torts apparents que vous aurez à vous faire pardonner.

Je sais qu’il en pourra coûter à votre sensibilité pour expliquer l’entourage des circonstances vraiment exceptionnelles dans lesquelles s’est fait votre mariage ; car vous serez par là même entraîné à repasser sur la trace de vos jours de bonheur devenus pour vous aujourd’hui de si poignants souvenirs. Mais après ce que j’ai pu entrevoir des dispositions de votre ancien ami, si vous tenez expressément à ce qu’il vous prête le concours de son talent, ne pas insister vous-même et procéder encore par mandataire, serait continuer une allure qui déjà lui a semblé désobligeante et s’exposer à un nouveau refus.

Après cela, si la démarche à laquelle je vous sollicite se trouvait décidément au-dessus de vos forces, peut-être y aurait-il encore un moyen.

En toute affaire où je l’ai vue s’entremettre, madame de l’Estorade m’a toujours semblé une habile négociatrice ; mais, pour le cas particulier, j’aurais dans son intervention une confiance absolue.

Elle-même a eu à souffrir de la part de madame Marie-Gaston des égoïsmes de passions assez semblables au traitement dont se plaint monsieur Dorlange. Mieux que personne elle serait donc en mesure de lui expliquer les entraînements de cette absorbante vie conjugale, que vous aviez si étroitement repliée sur elle-même, et il me paraîtrait très-difficile que l’exemple de la longanimité et de la clémence dont elle a toujours usé avec celle qu’elle appelait sa chère égarée, ne devînt pas contagieux pour votre ami.

Vous avez, du reste, tout le loisir de penser à l’usage qu’il vous conviendra faire de cette ouverture. Madame de l’Estorade, en ce moment, est encore souffrante d’une grave indisposition, suite d’une terreur maternelle. Il y a huit jours, notre chère petite Naïs faillit être écrasée sous ses yeux, et sans la courageuse intervention d’un inconnu qui se jeta à