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retirer avant d’avoir pris congé, je passe dans ma chambre à coucher pour mettre mon châle et mon chapeau.

Ma toilette lestement faite, je reviens au salon, où je retrouve mon visiteur.

— Vous m’excuserez, monsieur, lui dis-je alors, de vous quitter si brusquement : je cours au collège Henri IV. Jamais je ne saurais passer une nuit dans l’anxiété où vient de me jeter une lettre de mon fils, m’annonçant que depuis ce matin il est à l’infirmerie.

— Mais, me répond monsieur Dorlange, vous ne vous rendez pas seule, en voiture de louage, dans un quartier perdu ?

— Lucas m’accompagnera.

À ce moment rentre Lucas. Sa prédiction s’était réalisée ; pas une voiture sur les places ; il pleuvait à torrent.

Le temps s’écoulait ; déjà il était presque heure indue pour se présenter au collége, où, après neuf heures, tout le monde est couché.

— Il faut prendre un parti, dis-je à Lucas ; allez mettre des chaussures un peu fortes, et vous m’accompagnerez avec un parapluie.

Aussitôt, je vis la figure de Lucas s’allonger ; il n’est plus jeune, aime ses aises, et tous les hivers se plaint d’un rhumatisme. À plusieurs objections dont il s’avise coup sur coup : qu’il est bien tard ; que nous allons révolutionner le collége ; que je m’expose à prendre un rhume ; que monsieur Armand ne doit pas être bien malade puisqu’il a pu écrire lui-même, il est clair que mon plan de campagne n’agrée pas du tout à mon vieux compagnon.

M. Dorlange offre alors obligeamment de faire la course à ma place et de venir me rendre compte ; mais ce terme moyen n’arrangeait rien, j’avais besoin de voir moi-même pour être rassurée.

L’ayant donc remercié :

— Voyons, Lucas, dis-je avec autorité, allez vous disposer, et revenez vite, car une chose est vraie dans toutes vos remarques : il se fait tard.

Mais, se voyant ainsi acculé, Lucas lève résolûment l’étendard de la révolte :