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Voyons, pensai-je, il faut pourtant en finir avec cette histoire toujours interrompue et qui ressemble à la fameuse histoire du chevrier de Sancho, laquelle avait pour spécialité de ne pouvoir être contée.

Coupant donc court aux théories d’éducation :

— La confidence que vous aviez commencé de me faire, dis-je à mon grave interlocuteur, le moment, il me semble, ne serait pas mal choisi pour la reprendre. Ici, nous sommes sûrs que personne ne viendra se jeter à la traverse.

— J’ai peur, me répondit monsieur Dorlange, d’être mauvais conteur ; l’autre jour, j’ai dépensé toute ma verve à faire à Marie-Gaston le même récit.

— Mais cela, remarquai-je en riant, est contre votre théorie du secret, où un tiers seulement est de trop.

— Oh ! Marie-Gaston et moi ne comptons que pour un ; d’ailleurs il fallait bien répondre aux bizarres idées qu’il s’était faites à votre sujet et au mien.

— Comment ! à mon sujet ?

— Oui, il prétendait qu’à trop regarder le soleil on reste ébloui de ses rayons.

— Ce qui veut dire, en parlant d’une manière moins métaphorique ?

— Qu’attendu les étrangetés dont a été entouré pour moi l’honneur de votre connaissance, je pourrais bien être exposé à ne pas garder auprès de vous, madame, toute ma raison et tout mon sang-froid.

— Et votre histoire répond à cette visée de monsieur Marie-Gaston ?

— Vous allez en juger, repartit monsieur Dorlange.

Alors, sans plus de préambule, il me fit un assez long récit que je ne vous transmets pas, chère madame, parce que, d’une part, il me paraît tout à fait indifférent à vos fonctions directoriales, et que, d’une autre, il implique un secret de famille qui engage ma discrétion beaucoup plus sérieusement que je ne l’avais d’abord supposé.

En somme, ce qui résulte de cette histoire, c’est que monsieur Dorlange est amoureux de la femme qui avait posé dans son imagination pour la sainte Ursule ; mais comme