Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/262

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maître Achille Pigoult, auquel en se retirant des affaires il a vendu son étude. Mais la mère Marie-des-Anges a une puissante entrée auprès du comte de Gondreville par sa fille, la maréchale de Garigliano. Lancée, comme vous le savez, dans la plus haute dévotion, cette grande dame, presque tous les ans, vient faire aux Ursulines une humble retraite. De plus, la mère Marie-des-Anges, sans s’expliquer davantage, prétend qu’elle a barres par un certain côté qui n’est connu que d’elle sur le vieux Gondreville ; et en effet, la vie de cet ancien régicide devenu sénateur, comte de l’Empire, et depuis pair de France sous deux dynasties, a serpenté par d’assez tortueux souterrains pour qu’on puisse y supposer des entrées secrètes qu’il ne lui serait pas agréable de voir démasquer.

Or, Gondreville, c’est Grévin, son confident, et, comme on dit, son âme damnée depuis cinquante ans ; mais à supposer que, par impossible, leur éternelle union, dans la circonstance présente, vînt à se démancher, au moins est-on sûr d’Achille Pigoult, le successeur de Grévin, comme lui notaire de la communauté, et auquel, lors de la vente faite dans son étude du domaine acheté par le marquis de Sallenauve, on a eu le soin d’attribuer un chiffre d’honoraires tellement inusité et tellement électoral, que l’accepter c’était s’engager.

Quant à la plèbe des électeurs, on ne peut manquer d’y faire des recrues importantes, par les grands travaux que notre ami va se donner à exécuter dans le château dont le voilà propriétaire, ledit château ayant le bonheur de menacer ruine sur plusieurs points. Il faut aussi compter sur l’effet d’une magnifique profession de foi que Charles de Sallenauve vient de faire imprimer, et dans laquelle il déclare hautement ne vouloir accepter ni emplois ni faveur aucune du gouvernement. Enfin, l’habileté oratoire qui peut être attendue de lui, dans la réunion préparatoire déjà annoncée ; le concours des journaux de l’opposition tant à Paris que dans la localité ; les injures et les calomnies dont les journaux ministériels ont déjà commencé le feu, tout me donne bonne espérance, et je m’arrête sur une dernière