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Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/284

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CHAPITRE XVII

MARIE-GASTON À LA COMTESSE DE L’ESTORADE


Arcis-sur-Aube, dimanche 12 mai 1839.
Madame,

Hier soir a eu lieu la réunion préparatoire, cérémonie assez ridicule et surtout assez désagréable pour les candidats, mais que, pourtant, il faut accepter.

Au moment de s’engager pour quatre ou cinq ans avec un mandataire, il est naturel que l’on veuille savoir à qui l’on a affaire. Est-ce un homme intelligent ? exprime-t-il réellement l’opinion dont il a l’étiquette ? Sera-t-il gracieux et abordable pour les intérêts qui pourront avoir à se réclamer de lui ? Est-ce un caractère ferme ? saura-t-il défendre ses idées (s’il en a) ? en un mot sera-t-on dignement, sûrement et honnêtement représenté ? Voilà le côté sérieux et respectable de l’institution, qui, n’étant pas écrite dans la loi, pour s’être aussi complètement installée dans les mœurs, devait bien avoir sa raison d’exister.

Mais toute médaille a son revers, et, par un autre côté, on peut vous montrer dans ces assemblées l’électeur tout bouffi de son importance, s’empressant à faire exercice extérieur de la souveraineté qu’il va abdiquer entre les mains de son député, et la lui vendant le plus cher qu’il peut.

À l’impertinence de certaines questions adressées au candidat, ne dirait-on pas un ilote sur lequel chaque électeur a le droit de vie ou de mort ? Pas de recoin de sa vie privée où le malheureux soit sûr de ne pas voir pénétrer une curiosité indiscrète, et, en fait d’interrogations saugrenues, tout est possible, par exemple : pourquoi le candidat préfère-t-il le vin de Champagne au vin de Bordeaux ? À Bordeaux, où le vin est une religion, cette préférence impli-