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l’avocat se trouve reculé de deux échelons. Son père, ancien colonel de l’empire, jouit d’une grande estime dans le pays ; comme expression du regret qu’avaient les électeurs de ne pouvoir lui nommer son fils, ils l’ont, à l’unanimité et par acclamation, porté à la présidence de l’assemblée.

Le premier candidat entendu a été l’avocat Giguet ; son discours a été long, rempli de banalités ; peu de questions lui ont été adressées qui méritent d’être consignées dans le présent procès-verbal. On sentait que le sérieux de la bataille n’était pas là.

Ensuite on appelle monsieur Beauvisage.

Maître Achille Pigoult, le notaire, demande la parole, et dit :

— Monsieur le maire est atteint, depuis hier, d’une indisposition qui…

Des : « Ah ! ah ! » et des rires nombreux interrompent l’orateur.

Le colonel Giguet agite longtemps la sonnette, dont on avait eu soin de le munir, sans pouvoir rétablir le silence. À la première éclaircie, maître Pigoult reprend :

— J’avais donc l’honneur de vous dire, messieurs, qu’atteint d’une indisposition qui, sans présenter de gravité…

Ici, nouvelle interruption, un peu plus bruyante que la première.

Comme tous les militaires, le colonel Giguet n’est d’une nature ni très-endurante, ni très-parlementaire ; il se lève avec vivacité et s’écrie :

— Messieurs, nous ne sommes pas ici au bal Frappart. (C’est le nom du propriétaire de la salle.) Je vous engage donc à vous conduire d’une manière plus décente ; autrement, je quitte le fauteuil.

Il faut croire qu’en masse, les hommes demandent à être menés rudement, car cette leçon est accueillie par de joyeux applaudissements, et le silence paraît assez solidement rétabli.

— J’avais donc le regret de vous dire, reprend encore mettre Achille Pigoult en variant à chaque fois son début,