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tion de Simon Giguet, et il venait de causer dans ce sens avec un pharmacien nommé Fromaget, qui, ne fournissant pas le château de Gondreville, ne demandait pas mieux que de cabaler contre les Keller.

Ces deux personnages de la petite bourgeoisie pouvaient, à la faveur de leurs relations, déterminer une certaine quantité de votes flottants, car ils conseillaient une foule de gens auxquels les opinions politiques des candidats étaient indifférentes. Aussi l’avocat s’empara-t-il de Poupart et livra-t-il le pharmacien Fromaget à son père, qui vint saluer les électeurs déjà venus.

Le sous-ingénieur de l’arrondissement, le secrétaire de la mairie, quatre huissiers, trois avoués, le greffier du tribunal et celui de la justice de paix, le receveur de l’enregistrement et celui des contributions, deux médecins rivaux de Varlet, le beau-frère de Grévin, un meunier nommé Laurent Coussard, et chef du parti républicain à Arcis, les deux adjoints à Philéas, le libraire-imprimeur d’Arcis, et une douzaine de bourgeois entrèrent successivement et se promenèrent dans le jardin par groupes, en attendant que la réunion fût assez nombreuse pour ouvrir la séance.

Enfin, à midi, cinquante personnes environ, toutes endimanchées, la plupart venues par curiosité pour voir les beaux salons dont on parlait tant dans tout l’arrondissement, s’assirent sur les siéges que madame Marion leur avait préparés. On laissa les fenêtres ouvertes, et bientôt il se fit un si profond silence, qu’on put entendre crier la robe de soie de madame Marion, qui ne put résister au plaisir de descendre au jardin et de se placer à un endroit d’où elle pouvait entendre les électeurs.

La cuisinière, la femme de chambre et le domestique se tinrent dans la salle à manger et partagèrent les émotions de leurs maîtres.

— Messieurs, dit Simon Giguet, quelques-uns d’entre vous veulent faire à mon père l’honneur de lui offrir la présidence de cette réunion ; mais le colonel Giguet me charge de leur présenter ses remercîments, en exprimant toute la