Page:Balzac-Le député d'Arcis-1859.djvu/319

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Une fois relié au groupe qui entourait sa femme :

— Madame, dit Rastignac à la comtesse, en tenant toujours son bras passé sous celui du mari, je vous ramène monsieur de l’Estorade ; je viens de le surprendre en conversation criminelle avec un homme d’État du Zollverein, qui, sans moi, probablement ne vous l’eût pas rendu de cette nuit.

— Mais je me préparais moi-même à demander un lit à madame de Rastignac, afin de la mettre enfin en possession de la liberté que les éternelles conversations de monsieur de l’Estorade m’ont empêchée de lui rendre pendant toute la soirée.

Madame de Rastignac protesta du plaisir qu’au contraire elle avait eu à profiter, le plus longtemps possible, du voisinage de madame de l’Estorade, regrettant seulement d’avoir été trop souvent forcée d’interrompre leur conversation pour se prêter aux hommages de ces étranges figures de députés nouvellement éclos, qui s’étaient relayées pour venir la saluer.

— Oh ! chère, s’écria Rastignac, voilà tout à l’heure la session ouverte ; n’ayons pas, je vous en prie, de ces airs de dédain pour les élus de la représentation nationale ! Aussi bien vous vous feriez des affaires avec madame ; elle protège, m’a-t-on dit, beaucoup un de ces souverains de fraîche date.

— Moi ? dit avec un air d’étonnement madame de l’Estorade qui rougit un peu ; elle avait par son teint, encore éclatant de fraîcheur, une grande prédisposition à ce mouvement de physionomie.

— Ah ! mais c’est vrai, dit madame de Rastignac, je ne pensais plus à cet artiste qui, la dernière fois que j’eus le plaisir de vous voir chez vous, faisait dans un coin du salon ces charmantes découpures à vos enfants. J’avoue que j’étais bien loin de me douter alors qu’il dût être un de nos maîtres.

— Dès cette époque pourtant, répondit madame de l’Estorade, il était question de sa candidature, mais il est vrai qu’à ce moment on la traitait assez légèrement.