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chaires, la Presse du haut de ses colonnes, tous ceux à qui le hasard donne le pouvoir d’influer sur les masses, doivent le dire et le redire : thésauriser est un crime social. L’économie inintelligente de la province arrête la vie du corps industriel et gêne la santé de la nation.

Ainsi, la petite ville d’Arcis, sans transit, sans passage, en apparence vouée à l’immobilité sociale la plus complète, est, relativement, une ville riche et pleine de capitaux lentement amassés dans l’industrie de la bonneterie.

Monsieur Philéas Beauvisage était l’Alexandre, ou, si vous voulez, l’Attila de cette partie. Voici comment cet honorable industriel avait conquis sa suprématie sur le coton.

Resté le seul enfant des Beauvisage, anciens fermiers de la magnifique ferme de Bellache, dépendant de la terre de Gondreville, ses parents firent, en 1811, un sacrifice pour le sauver de la conscription, en achetant un homme. Depuis, la mère Beauvisage, devenue veuve, avait, en 1813, encore soustrait son fils unique à l’enrôlement des Gardes d’honneur, grâce au crédit du comte de Gondreville. En 1813, Philéas, âgé de vingt et un ans, s’était déjà voué depuis trois ans au commerce pacifique de la bonneterie.

En se trouvant alors à la fin du bail de Bellache, la vieille fermière refusa de le continuer. Elle se voyait en effet assez d’ouvrage pour ses vieux jours à faire valoir ses biens. Pour que rien ne troublât sa vieillesse, elle voulut procéder, chez monsieur Grévin, le notaire d’Arcis, à la liquidation de la succession de son mari, quoique son fils ne lui demandât aucun compte ; il en résulta qu’elle lui devait cent cinquante mille francs environ. La bonne femme ne vendit point ses terres, dont la plus grande partie provenait du malheureux Michu, l’ancien régisseur de la maison de Simeuse ; elle remit la somme en argent à son fils, en l’engageant à traiter de la maison de son patron, monsieur Pigoult, le fils du vieux juge de paix, dont les affaires étaient devenues si mauvaises, qu’on suspecta, comme on l’a dit déjà, sa mort d’être volontaire.

Philéas Beauvisage, garçon sage et plein de respect pour