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la haine de la marquise pour le nom de Grévin. D’autres remarquèrent des coïncidences entre les apparitions du vicomte de Chargebœuf à Paris et les voyages qu’y faisait madame Beauvisage, sous les prétextes les plus frivoles.

Un historien impartial serait fort embarrassé d’avoir une opinion sur des faits ensevelis dans les mystères de la vie privée. Une seule circonstance a paru donner gain de cause à la médisance.

Cécile-Renée Beauvisage était née en 1820, au moment où monsieur de Chargebœuf quitta sa sous-préfecture, et parmi les noms de l’heureux sous-préfet se trouve celui de René. Ce nom fut donné par le comte de Gondreville, parrain de Cécile. Si la mère s’était opposée à ce que sa fille reçût ce nom, elle aurait en quelque sorte confirmé les soupçons.

Comme le monde veut toujours avoir raison, ceci passa pour une malice du vieux pair de France. Madame Keller, fille du comte, et qui avait nom Cécile, était la marraine. Quant à la ressemblance de Cécile-Renée Beauvisage, elle est frappante ! Cette jeune personne ne ressemble ni à son père ni à sa mère ; et, avec le temps, elle est devenue le portrait vivant du vicomte dont elle a pris les manières aristocratiques. Cette double ressemblance, morale et physique, ne put jamais être remarquée par les gens d’Arcis, où le vicomte ne revint plus.

Séverine rendit d’ailleurs Philéas heureux à sa manière. Il aimait la bonne chère et les aises de la vie ; elle eut pour lui les vins les plus exquis, une table digne d’un évêque et entretenue par la meilleure cuisinière du département, mais sans afficher aucun luxe, car elle maintint sa maison dans les conditions de la vie bourgeoise d’Arcis.

Le proverbe d’Arcis est qu’il faut dîner chez madame Beauvisage et passer la soirée chez madame Marion.

La prépondérance que la Restauration donnait à la maison de Cinq-Cygne, dans l’Arrondissement d’Arcis, avait naturellement resserré les liens entre toutes les familles du pays qui touchèrent au procès criminel fait à propos de l’enlèvement de Gondreville. Les Marion, les Grévin, les Giguet,