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Voici la simple et naïve histoire de ce notaire, pendant longtemps, pour ainsi dire, le seul notaire d’Arcis.

En 1787, deux jeunes gens d’Arcis allèrent à Paris, recommandés à un avocat au conseil nommé Danton. Cet illustre patriote était d’Arcis. On y voit encore sa maison et sa famille y existe encore. Ceci pourrait expliquer l’influence que la Révolution exerça sur ce coin de la Champagne.

Danton plaça ses compatriotes chez le procureur au Châtelet si fameux par son procès avec le comte Moreton de Chabrillant, à propos de sa loge à la première représentation du Mariage de Figaro, et pour qui le parlement prit fait et cause en se regardant comme outragé dans la personne de son procureur.

L’un s’appelait Malin et l’autre Grévin, tous deux fils uniques. Malin avait pour père le propriétaire même de la maison où demeure actuellement Grévin. Tous deux ils eurent l’un pour l’autre une mutuelle, une solide affection. Malin, garçon retors, d’un esprit profond, ambitieux, avait le don de la parole. Grévin, honnête, travailleur, eut pour vocation d’admirer Malin. Ils revinrent à leur pays lors de la révolution, l’un pour être avocat à Troyes, l’autre pour être notaire à Arcis. Grévin, l’humble serviteur de Malin, le fit nommer député à la Convention. Malin fit nommer Grévin procureur syndic d’Arcis.

Malin fut un obscur conventionnel jusqu’au 9 Thermidor, se rangeant toujours du côté du plus puissant, écrasant le faible ; mais Tallien lui fit comprendre la nécessité d’abattre Robespierre. Malin se distingua lors de cette terrible bataille parlementaire, il eut du courage à propos. Dès ce moment commença le rôle politique de cet homme, un des héros de la sphère inférieure : il abandonna le parti des Thermidoriens pour celui des Clichiens, et fut alors nommé membre du conseil des Anciens. Devenu l’ami de Talleyrand et de Fouché, conspirant avec eux contre Bonaparte, il devint, comme eux, un des plus ardents partisans de Bonaparte après la victoire de Marengo. Nommé tribun, il entra l’un des premiers au conseil d’État, fut un des rédacteurs du