un diable, un phénix ! Il serait l’ami des deux châteaux, il poculerait…
— Ah ! fi ! monsieur, dit madame Mollot, vous avez des mots…
— Il poculerait est de la plus haute latinité, madame, reprit gravement le substitut ; il poculerait donc chez le roi Louis-Philippe le matin, et banqueterait le soir à Holy-Rood avec Charles X. Il n’y a qu’une raison qui puisse permettre à un chrétien d’aller dans les deux camps, chez les Montecchi et les Capuletti !… Ah ! je sais qui est cet inconnu. C’est…
— Le directeur des chemins de fer de Paris à Lyon, ou de Paris à Dijon, ou de Montereau à Troyes.
— C’est vrai ! dit Antonin. Vous y êtes. Il n’y a que la banque, l’industrie ou la spéculation qui puissent être bien accueillies partout.
— Oui, dans ce moment-ci, les grands noms, les grandes familles, la vieille et la jeune pairies arrivent au pas de charge dans les commandites ! dit Achille Pigoult.
— Les francs attirent les Francs, repartit Olivier Vinet sans rire.
— Vous n’êtes guère l’olivier de la paix, dit madame Mollot en souriant.
— Mais n’est-ce pas démoralisant de voir les noms des Verneuil, des Maufrigneuse et des d’Hérouville accolés à ceux des du Tillet et des Nucingen dans des spéculations cotées à la Bourse ?
— Notre inconnu doit être décidément un chemin de fer en bas âge, dit Olivier Vinet.
— Eh bien ! tout Arcis va demain être sens dessus dessous, dit Achille Pigoult. Je vais voir ce monsieur pour être le notaire de la chose ! Il y aura deux mille actes à faire.
— Notre roman devient une locomotive, dit tristement Ernestine à Cécile.
— Un comte doublé d’un chemin de fer, reprit Achille Pigoult, n’en est que plus conjugal ; mais est-il garçon ?
— Eh ! je saurai cela demain par grand-papa, dit Cécile avec un enthousiasme de parade.