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Page:Balzac- Traité de la vie élégante - 1922.djvu/159

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DE LA DÉMARCHE

— Eh bien ? lui demanda-t-on.

— Eh bien…, reprit-il.

Et il laissa échapper un soupir.

— Eh bien, ce serpent me tint pendant une demi-heure, je lui promis les cinq cent mille francs, et il les eut.

— Les a-t-il rendus ?…

S… pouvait calomnier O… Sa haine bien connue lui en donnait le droit, à une époque où l’on tue ses ennemis à coups de langue. Je dois dire, à la louange de cet homme bizarre, qu’il répondit : « Oui. » Mais ce fut piteusement. Il aurait voulu pouvoir accuser son ennemi d’une tromperie de plus.

Quelques personnes disent M. O… encore plus fort en fait de dissimulation que ne l’est M. le prince de Bénévent. Je le crois volontiers. Le diplomate ment pour le compte d’autrui, le banquier ment pour lui-même. Eh bien, ce moderne Bourvalais, qui a pris l’habitude d’une admirable immobilité de traits, d’une complète insignifiance dans le regard, d’une imperturbable égalité dans la voix, d’une habile démarche, n’a pas su dompter le bout de son nez. Chacun de nous a quelque méplat où triomphe l’âme, un cartilage d’oreille qui rougit, un nerf qui tressaille, une manière trop significative de déplier les paupières, une ride qui se creuse