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Page:Balzac- Traité de la vie élégante - 1922.djvu/39

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pitié ; si l’architecte lui apparaît encore comme une grande pensée, ses ouvriers ne sont plus que des espèces de treuils et restent confondus avec les brouettes, les pelles et les pioches.

Est-ce une injustice ? non. Semblables aux machines à vapeur, les hommes enrégimentés par le travail se produisent tous sous la même forme et n’ont rien d’individuel. L’homme-instrument est une sorte de zéro social, dont le plus grand nombre possible ne composera jamais une somme, s’il n’est précédé par quelques chiffres.

Un laboureur, un maçon, un soldat, sont les fragments uniformes d’une même masse, les segments d’un même cercle, le même outil dont le manche est différent. Ils se couchent et se lèvent avec le soleil ; aux uns, le chant du coq ; à l’autre, la diane ; à celui-ci, une culotte de peau, deux aunes de drap bleu et des bottes ; à ceux-là, les premiers haillons trouvés ; à tous, les plus grossiers aliments : battre du plâtre ou battre des hommes, récolter des haricots ou des coups de sabre, tel est, en chaque saison, le texte de leurs efforts. Le travail semble être pour eux une énigme dont ils cherchent le mot jusqu’à leur dernier jour. Assez souvent le triste pensum de leur existence est récompensé par l’acquisition d’un petit banc de bois où ils s’as-