Page:Balzac- Traité de la vie élégante - 1922.djvu/54

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salière de Benvenuto Cellini, achetée au prix de la rançon d’un roi, s’élevait souvent sur une table entourée de bancs.

Enfin, si nous passons de la vie matérielle à la vie morale, un noble pouvait faire des dettes, vivre dans les cabarets, ne pas savoir écrire ou parler, être ignorant, stupide, prostituer son caractère, dire des niaiseries, il demeurait noble. Le bourreau et la loi le distinguaient encore de tous les exemplaires de Jacques Bonhomme (l’admirable type des gens occupés), en lui tranchant la tête, au lieu de le pendre. On eût dit le civis romanus en France : car, véritables esclaves, les Gaulois[1] étaient devant lui comme s’ils n’existaient pas.

Cette doctrine fut si bien comprise, qu’une femme de qualité s’habillait devant ses gens, comme s’ils eussent été des bœufs, et ne se déshonorait pas en chippant l’argent des bourgeois (voir la conversation de la duchesse de Tallard dans le dernier ouvrage de M. Barrière) ; que la comtesse d’Egmont ne croyait pas commettre d’infidélité en aimant un vilain ; que madame de Chaulnes affirmait qu’une duchesse n’avait pas d’âge pour un roturier, et que M. Joly de Fleury considérait logiquement

  1. Gentilhommc voulait dire homme de la nation :gentis homo. (Note de l’Auteur.)