Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/127

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ter la police de sûreté, et de là vient le nom de quart-d’œil que les voleurs leur ont donné dans leur argot, puisqu’ils sont quatre par arrondissement ; il y a deux commissaires attachés à la fois à la police et à la justice pour exécuter les missions délicates, pour remplacer les juges d’instruction dans beaucoup de cas. Le bureau de ces deux magistrats, car les commissaires de police sont des magistrats, se nomme le bureau des délégations, car ils sont en effet délégués chaque fois et régulièrement saisis pour exécuter soit des perquisitions, soit des arrestations. Ces places exigent des hommes mûrs, d’une capacité éprouvée, d’une grande moralité, d’une discrétion absolue, et c’est un des miracles que la Providence fait en faveur de Paris que la possibilité de toujours avoir des natures de cette espèce. La description du Palais serait inexacte sans la mention de ces magistratures préventives, pour ainsi dire, qui sont les plus puissants auxiliaires de la justice ; car si la justice a, par la force des choses, perdu de son ancienne pompe, de sa vieille richesse, il faut reconnaître qu’elle a gagné matériellement. À Paris surtout, le mécanisme s’est admirablement perfectionné.

Monsieur de Grandville avait envoyé monsieur de Chargebœuf, son secrétaire, au convoi de Lucien ; il fallait le remplacer, pour cette mission, par un homme sûr ; et monsieur Garnery était l’un des deux commissaires aux délégations. — Monsieur le procureur général, reprit Jacques Collin, je vous ai déjà donné la preuve que j’ai mon point d’honneur… Vous m’avez laissé libre et je suis revenu… Voici bientôt onze heures… on achève la messe mortuaire de Lucien, il va partir pour le cimetière… Au lieu de m’envoyer à la Conciergerie, permettez-moi d’accompagner le corps de cet enfant jusqu’au Père-Lachaise ; je reviendrai me constituer prisonnier…

— Allez, dit monsieur de Grandville avec une inflexion de voix pleine de bonté.

— Un dernier mot, monsieur le procureur général. L’argent de cette fille, de la maîtresse de Lucien, n’a pas été volé… Dans le peu de moments de liberté que vous m’avez donnés, j’ai pu interroger les gens… Je suis sûr d’eux comme vous êtes sûr de vos deux commissaires aux délégations. Donc on trouvera le prix de l’inscription de rente vendue par mademoiselle Esther Gobseck dans sa chambre à la levée des scellés. La femme de chambre m’a fait observer que la défunte était, comme on dit, cachottière et