Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1855, tome 18.djvu/199

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Le jeune homme leva sur sa mère ses beaux yeux humides, et ce regard, où débordait une compassion longtemps comprimée, fut tout un poëme. Godefroid se leva, prit la main d’Auguste et la lui serra.

— Dieu, madame, a mis deux anges près de vous !… s’écria-t-il.

— Oui, je le sais. Aussi me reproché-je souvent de les faire enrager. Viens, cher Augustin, embrasse ta mère. C’est un enfant, monsieur, dont seraient fières toutes les mères. C’est pur comme l’or, c’est franc, c’est une âme sans péché ; mais une âme un peu trop passionnée, comme celle de la maman. Dieu m’a peut-être clouée dans un lit pour me préserver des sottises que commettent les femmes… qui ont trop de cœur… ajouta-t-elle en souriant.

Godefroid répondit par un sourire et par un salut.

— Adieu, monsieur, et surtout remerciez votre ami, car il a fait le bonheur d’une pauvre infirme.

— Monsieur, dit Godefroid quand il fut chez lui seul avec monsieur Bernard qui l’avait suivi, je crois pouvoir vous assurer que vous ne serez point dépouillé par ce trio de braves gens. J’aurai la somme nécessaire, mais il faudra me confier votre traité relatif au réméré… Pour faire plus pour vous, vous devriez me confier votre ouvrage à lire… non pas à moi, je n’aurais pas assez de connaissances pour en juger, mais à un ancien magistrat d’une intégrité parfaite, qui se chargera, d’après le mérite de l’œuvre, de trouver une honorable maison avec laquelle vous contracterez équitablement… Je n’insiste pas là-dessus. En attendant, voici cinq cents francs, ajouta-t-il en tendant un billet de banque à l’ancien magistrat stupéfait, pour subvenir à vos besoins les plus pressants. Je ne vous en demande point de reçu, vous ne serez obligé que par votre conscience, et votre conscience ne doit parler qu’au cas où vous retrouveriez quelque aisance… Je me charge de satisfaire Halpersohn… — Qui donc êtes-vous ?… dit le vieillard qui tomba sur une chaise.

— Moi, répondit Godefroid, rien ; mais je sers des personnes puissantes à qui votre détresse est maintenant connue et qui s’intéressent à vous… Ne m’en demandez pas davantage.

— Quel est donc le mobile de ces gens ?… dit le vieillard.

— La religion, monsieur, répliqua Godefroid.

— Serait-ce possible !… la religion…

— Oui, la religion catholique, apostolique et romaine…

— Eh ! vous appartenez à l’ordre de Jésus ?…